Jacob et le droit d'aînesse.
1 - Le texte.
2 - Rétablissons les responsabilités.
a) Esaü l'usurpateur.
b) La haine de Dieu.
3 - Primauté et bénédiction.
a) La différence.
b) Les deux droits d'ainesse.
c) Impossibilité de vendre.
4 - Jacob, usurpateur ou héritier naturel ?
a) La signification de son nom.
b) Les affirmations d'Esaü.
c) La version de Dieu.
- c.1) La partie charnelle.
- c.2) La partie spirituelle.
- c.3) La victoire.
5 - Conclusion.
1 - Le texte.
- Genèse 25.29-34 : Comme Jacob faisait cuire un potage, Ésaü revint des champs, accablé de fatigue. 25.30 Et Ésaü dit à Jacob: Laisse-moi, je te prie, manger de ce roux, de ce roux-là, car je suis fatigué. C'est pour cela qu'on a donné à Ésaü le nom d'Édom. 25.31 Jacob dit: Vends-moi aujourd'hui ton droit d'aînesse. 25.32 Ésaü répondit: Voici, je m'en vais mourir; à quoi me sert ce droit d'aînesse? 25.33 Et Jacob dit: Jure-le moi d'abord. Il le lui jura, et il vendit son droit d'aînesse à Jacob. 25.34 Alors Jacob donna à Ésaü du pain et du potage de lentilles. Il mangea et but, puis se leva et s'en alla. C'est ainsi qu'Ésaü méprisa le droit d'aînesse.
2 - Rétablissons les responsabilités.
a) Ésaü l'usurpateur.
Il est particulièrement commun, lorsqu'on entend une discussion sur ce passage, de n'avoir que des remarques négatives sur Jacob. Jacob devient l'usurpateur, et Ésaü est une victime incomprise, et cela suffit à la plupart des chrétiens pour résumer tout ce qui se trouve dans ces quelques lignes. Pourtant, un minimum d'objectivité nous force à réaliser que c'est Ésaü qui est à l'initiative de ce qui se passe.
Bien que la pensée commune nous dirige vers un comportement de Jacob, la réalité est que nous sommes devant un comportement d'Ésaü. Les deux versets qui précèdent ce passage portent une particularité, ils nous révèlent quelque chose qui définit les deux frères.
- Genèse 25.27-28 : Ces enfants grandirent. Ésaü devint un habile chasseur, un homme des champs; mais Jacob fut un homme tranquille, qui restait sous les tentes. Isaac aimait Ésaü, parce qu'il mangeait du gibier; et Rebecca aimait Jacob.
Ce qui caractérisait Ésaü était le fait qu'il mangeait du gibier, que c'était un chasseur, un homme des champs, pourtant, il vient vers Jacob pour obtenir de lui ce qui est sien, c'est-à-dire un plat de lentille. Comme je le dis souvent, la Parole de Dieu est un tout, et il faut l'avoir en tête dans son ensemble pour en comprendre un passage particulier. Ici, bien que Jacob annonce le prix de ce qui lui est demandé, ça n'est pas Jacob qui, premièrement initie l'intéraction, et ça n'est pas plus lui qui est en faute. Lorsque Jacob dit : Vends-moi aujourd'hui ton droit d'aînesse, il ne lance pas une transaction, il la poursuit, c'est Esaü qui l'a commencée.
Les deux versets que je viens de citer nous font une séparation, d'un côté ce qui se passe en dehors des tentes, et de l'autre, ce qui se passe en dedans. La première étant le territoire d'Ésaü, la deuxième, celui de Jacob. Lorsque l'on comprend cela, on cerne la situation totalement différemment. Ca n'est pas Jacob qui profite de la situation pour s'emparer du droit d'aînesse d'Ésaü. C'est Ésaü, qui, non content d'avoir pour part tout ce qui concerne ce qui est "en dehors des tentes", vient dans les tentes afin de s'accaparer ce qui est à Jacob. Il convient donc de voir non pas de la convoitise dans la réponse de Jacob, mais de la sagesse. Nous ne sommes pas en présence de Jacob, tentant de s'approprier les possessions de son frère, mais devant l'affirmation paraphrasée de : "tu veux ce qui est à moi, alors soit prêt à donner ce qui est à toi". Jacob demande à Esaü sa part parce qu'Ésaü est en train de lui demander la sienne.
La paraphrase que je viens de faire est le résumé parfait de ce passage si faussement identifié comme une tentative d'usurpation de Jacob envers son frère Ésaü.
b) La haine de Dieu.
L'erreur de compréhension est d'autant plus étrange que le passage se termine par une affirmation assez facile à comprendre :
- Genèse 25.34b : ... C'est ainsi qu'Ésaü méprisa le droit d'aînesse.
Ca n'est pas Jacob qui a fait quelque chose de mal, il voulait quelque chose qui, à ses yeux avait de la valeur, et Ésaü est venu le lui proposer. Il faut comprendre que dans de très nombreux cas dans notre vie chrétienne, demander une chose, c'est en accepter d'autres que nous n'avons pas formulées. L'un des meilleurs exemples est la prière que Jésus nous a demandée de faire dans l'évangile selon Matthieu : Priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers dans sa moisson (Matthieu 9.38). Lorsque vous faites cette prière, bien que cela ne soit pas inclus verbalement dans la demande, elle contient également le fait que chacun peut être un des ouvriers en question. Parce que si votre demande revient à : "envoie qui tu veux mais surtout pas moi", alors autant ne pas faire la demande du tout. Nous ne vivons pas dans une époque qui inculque la notion de responsabilité ou de conséquences. Pourtant l'une et l'autre existent. Si vous sautez par la fenêtre de très haut, vous aurez le temps de vous repentir avant d'atterrir, mais les probabilités pour que vous ne vous écrasiez pas sont assez faibles, et ce, malgré la sincérité de votre repentance. Ce que vous faites a des conséquences, spirituelles et charnelles, et ce que vous dites contient des implications que parfois vous ne réalisez même pas. Pourtant ces implications sont là, et elles comptent autant que les choses qui sont dites ouvertement.
C'est également le principe mis en avant dans l'évangile selon Luc lorsque Jésus reprend les docteurs de la loi leur disant : Et Jésus répondit: Malheur à vous aussi, docteurs de la loi! parce que vous chargez les hommes de fardeaux difficiles à porter, et que vous ne touchez pas vous-mêmes de l'un de vos doigts (Luc 11.46). Ce qui est condamné ici, n'est pas le fait de charger : les hommes de fardeaux difficiles à porter, mais de ne pas les porter eux-mêmes. Ce qui les condamne n'est pas ce qu'ils font, c'est une erreur qui pourrait uniquement mériter une clarification si ceux qui la commettaient étaient sincères. Ce qui les condamne c'est ce qu'ils ne font pas, c'est-à-dire porter eux-mêmes ces fardeaux, ce qui serait le signe qu'ils croient en ce qu'ils font faire. Donc ce qu'ils font les condamne à cause de ce qu'ils ne font pas. C'est le même principe avec Ésaü, ce qu'il propose à Jacob le condamne à cause de ce que cela implique, et c'est justement ce que cela implique qui est un mystère pour bien des croyants.
Ésaü s'est mis dans cette position, où, se présentant à son frère, il lui a demandé une chose qui impliquait nécessairement son acception de la même demande à son encontre. Il se trouve cependant qu'Ésaü avait le droit d'aînesse, qui avait plus de valeur que quoi que ce soit d'autre. Aussi, en faisant cette demande à Jacob, Jacob a de suite réalisé ce qui se passait. Ésaü n'a pas méprisé son droit d'aînesse à la fin du passage, lorsqu'il accepte la transaction, il l'a méprisé d'entrée, dès lors qu'il a voulu ce qui était à Jacob, il s'est posé comme méprisant ce qui était à lui. Jacob a réagi comme il le devait, son frère s'est présenté en lui proposant de manière tacite ce qui lui appartenait, et ce qui lui appartenait avait plus de valeur. Il est évident que Jacob n'a pas refusé ce qu'Ésaü mettait sur la table, tout comme Ésaü a fait de même.
C'est pour cela que Jacob n'a rien fait de mal, contrairement à Ésaü. C'est également pour cela que la conséquence de ce comportement nous est présentée par deux fois, la première étant à la fin de ce même passage, lorsqu'il nous est dit : qu'Ésaü méprisa le droit d'aînesse, ça n'est pas Jacob qui est présenté comme fautant, mais bien Esaü. La deuxième présentation de la conséquence du comportement des deux frères nous est transmise par Malachie en ces termes :
- Malachie 1.2-3 : Je vous ai aimés, dit l'Éternel. Et vous dites: En quoi nous as-tu aimés? Ésaü n'est-il pas frère de Jacob? dit l'Éternel. Cependant j'ai aimé Jacob, Et j'ai eu de la haine pour Ésaü, J'ai fait de ses montagnes une solitude, J'ai livré son héritage aux chacals du désert.
Jacob apportait de la valeur au droit d'aînesse, quand Ésaü l'a méprisé. C'est parce qu'Ésaü a méprisé ce qui venait de son père, que Dieu a méprisé Ésaü et a ravagé son héritage.
3 - Primauté et bénédiction.
a) La différence.
- Genèse 27.36 : Ésaü dit: Est-ce parce qu'on l'a appelé du nom de Jacob qu'il m'a supplanté deux fois? Il a enlevé mon droit d'aînesse, et voici maintenant qu'il vient d'enlever ma bénédiction. Et il dit: N'as-tu point réservé de bénédiction pour moi?
Si nous ne faisons pas forcément la différence, Ésaü la faisait.
Le droit d'aînesse et la bénédiction sont deux choses différentes.
Le droit d'ainesse est le droit du premier-né à hériter des biens matériels du père. La bénédiction, est le droit du plus élevé spirituellement, de recevoir l'héritage spirituel du père. On les mélange souvent, en pensant que la bénédiction va forcément au premier-né, mais c'est un poncif totalement erroné qui, par ailleurs, ne peut même pas provenir d'une lecture de la Parole de Dieu.
Evidemment, lorsque l'on regarde la bénédiction de Manassé et d'Ephraïm par Jacob, qui n'est pas leur père, on peut en venir à croire dans cette manière d'ordonner les choses. Joseph lui-même pensera qu'il convient de bénir le plus âgé (Genèse 48.18 : Et Joseph dit à son père: Pas ainsi, mon père, car celui-ci est le premier-né; pose ta main droite sur sa tête), mais c'est une pensée humaine qui n'est en rien avalisée par la Parole de Dieu. Bien sûr, on a la réaction de Jacob qui nous le montre, dans les deux versets suivants : Son père refusa, et dit: Je le sais, mon fils, je le sais; lui aussi deviendra un peuple, lui aussi sera grand; mais son frère cadet sera plus grand que lui, et sa postérité deviendra une multitude de nations. Il les bénit ce jour-là, et dit: C'est par toi qu'Israël bénira, en disant: Que Dieu te traite comme Éphraïm et comme Manassé! Et il mit Éphraïm avant Manassé (Genèse 48.19-20). Par ailleurs, on ne soulève jamais le fait que Jacob donne sa bénédiction à un des fils de Joseph, et non a un des siens. Le chapitre 49 de la genèse n'étant pas la bénédiction de Jacob à ses 12 fils avant de mourir, mais, comme il le dit lui-même, l'annonce de ce qui arrivera dans la suite des temps (Genèse 49.1). Ce chapitre 49 n'est pas une suite de bénédictions, mais une suite de prophéties.
b) Les deux droits d'aînesse.
En outre, on ne réalise pas assez souvent que cette image de la bénédiction devant être transmise au premier-né n'est qu'une vue de l'esprit. Ce sont deux choses différentes.
Le premier-né de Noé est Japhet, mais la bénédiction est pour Sem.
Le premier-né d'Abraham est Ismaël, mais la bénédiction est pour Isaac.
Le premier-né d'Isaac est Ésaü, mais la bénédiction est pour Jacob.
Le premier-né de Jacob est Ruben, mais la bénédiction est pour Ephraïm (son petit-fils).
Le premier-né de David est Amnon, mais c'est Salomon qui reçoit la bénédiction.
Et la liste pourrait continuer encore et encore.
La réalité est qu'il existe deux droits d'aînesse différents. On les différencie en parlant de droit d'aînesse et de bénédiction, mais en réalité, ce sont deux droits d'aînesse, ou deux bénédictions. Peu importe le vocable que l'on choisit, la chose représentée est toujours la même. Le premier représente la transmission charnelle, et le deuxième représente la transmission spirituelle. Leur attribution ne se fait pas selon les mêmes critères. Le premier sanctionne une primauté charnelle, conséquence d'une ordonnance du même type, alors que le deuxième sanctionne une primauté spirituelle.
c) Impossibilité de vendre.
Enfin, le point qu'il faut également soulever pour mieux comprendre le passage dans lequel Ésaü vend son droit d'aînesse pour un plat de lentille, c'est qu'il n'est pas possible de le faire. On pourrait arguer de ce que Esaü l'a tout de même fait, mais ça n'est pas le cas. Il pense simplement que ça l'est. C'est le même cas que le fait de 'vendre son âme au diable' dont je parlais ailleurs. Ca n'est pas possible parce que toutes les âmes appartiennent à Dieu. Dans le cas du droit d'aînesse, c'est exactement le même principe. La position de premier-né qualifie pour recevoir la primauté, mais ne signifie pas qu'on l'ait de fait. Cela établi qu'on ne peut pas en faire ce que l'on veut. Esaü aurait pu, par exemple, s'engager à donner son héritage à Jacob le jour où il le recevrait, mais ça n'est pas ce qui s'est passé autour de ce plat de lentille.
Rappelons-nous que, de tous les fils de Jacob, c'est Ruben qui aurait dû avoir la primauté de par son droit de naissance, pourtant, selon les mots même de Jacob :
- Genèse 49.3-4 : Ruben, toi, mon premier-né, Ma force et les prémices de ma vigueur, Supérieur en dignité et supérieur en puissance, Impétueux comme les eaux, tu n'auras pas la prééminence! Car tu es monté sur la couche de ton père, Tu as souillé ma couche en y montant.
Les propos même de Jacob montrent que l'ordre des naissances n'est qu'un critère d'éligibilité et non une détermination ferme et définitive. Tout comme dans le cas du livre de vie de l'Agneau, il est possible d'en être effacé de par son comportement, mais pas de s'y faire inscrire à posteriori.
4 - Jacob, usurpateur ou héritier naturel ?
Il est probable que si l'on demande aux croyants de résumer la vie de Jacob, il serait constamment présenté comme celui qui a volé le droit d'aînesse de son frère Ésaü. On peut alors se demander pourquoi c'est cette image qui ressortirait. Quels sont les arguments qui sous-tendent cette façon de voir.
a) La signification de son nom.
Le nom de Jacob peut porter plusieurs significations. Etrangement, le choix a assez uniformément été fait, et ce, en se basant sur du vent. Ainsi, 'Jacob' devient 'le voleur', ou 'l'usurpateur', alors que la Parole de Dieu ne fait pas de mystère sur la signification de ce nom :
- Genèse 25.26b : Ensuite sortit son frère, dont la main tenait le talon d'Ésaü; et on lui donna le nom de Jacob. ...
Jacob signifie : celui qui prend par le talon. C'est écrit noir sur blanc.
Si l'on veut tenter d'ajouter encore des significations, alors n'oublions pas que Jacob se dit 'Ya'Aqob', et que 'Aqob' signifie également 'petite colline'. Mais le but n'est pas d'ajouter encore et encore des significations possibles au gré de nos caprices, mais de regarder dans la Parole de Dieu celle qui est la bonne.
Le plus triste est que la signification qui est prêtée à son nom a une origine assez évidente.
b) Les affirmations d'Esaü.
Cette origine n'est autre que les propos d'Ésaü lorsqu'il parle à son père.
- Genèse 27.36 : Ésaü dit: Est-ce parce qu'on l'a appelé du nom de Jacob qu'il m'a supplanté deux fois? Il a enlevé mon droit d'aînesse, et voici maintenant qu'il vient d'enlever ma bénédiction. Et il dit: N'as-tu point réservé de bénédiction pour moi ?
Evidemment, lorsqu'on se base sur les propos de celui qui a méprisé son droit d'aînesse (Genèse 25.29-34), et pour qui Dieu a eu de la haine (Malachie 1.2-3), on en vient à considérer Jacob d'une manière peu avantageuse. Pourtant, comme je l'ai montré assez clairement, Jacob n'a rien fait de mal, c'est Ésaü qui est venu vers lui et c'est Ésaü qui a fait la première demande.
Ce qui est tragique c'est qu'une fois de plus cela démontre que le peuple de Dieu ne comprend pas ce qu'est la Parole de Dieu. Qu'elle soit la vérité est une base simple, mais de toute évidence, sortie de là, peu semblent comprendre ce qu'est cette vérité. Lorsqu'un évènement y est dépeint, cela ne signifie pas qu'il soit bien, mais uniquement qu'il se soit réellement passé. De la même manière, lorsqu'une parole est prononcée cela ne signifie pas forcément que la chose dite soit vraie, mais qu'elle ait réellement été dite. La différence est fondamentale, et ne pas parvenir à la faire conduit dans des erreurs de compréhension de la Parole qui elles-mêmes, rendent impossibles les compréhensions qui auraient dû se baser sur les premières que nous avons occultées. Rapidement on arrive dans une impasse où la progression cesse. Un exemple très simple est l'affirmation de Simon à Jésus lorsque ce dernier vient d'expliquer qu'il allait mourir et ensuite ressusciter. Simon répondra : A Dieu ne plaise, Seigneur! Cela ne t'arrivera pas (Matthieu 16.22b). Fort heureusement, Simon se trompait. Le fait que cette parole soit présente est le gage qu'elle ait réellement été prononcée, pas que ce qu'elle dit soit vrai. Si c'est facile à comprendre dans ce cas, il faut parfois un peu plus d'attention dans nos lectures pour le remarquer ailleurs, mais, somme toute, cela relève souvent plus de l'attention que nous portons à nos lectures qu'à une éventuelle révélation.
De la même manière, l'affirmation d'Ésaü concernant son frère n'est soutenue par rien. Il le présente de la manière qui l'arrange. Lorsqu'on regarde de près le verset de Genèse 27.36, on se rend compte de plusieurs choses :
- C'est Ésaü qui fait un 'jeu de mot' avec le nom de son frère, le dépeignant comme un voleur, mais nulle part ailleurs Jacob n'est représenté de la sorte.
- Ésaü accuse Jacob de lui avoir enlevé son droit d'aînesse, ce qui est faux, c'est lui qui le lui a vendu, et le passage qui en parle est clair.
- Ésaü accuse maintenant Jacob de lui avoir volé sa bénédiction, mais, comme je l'ai déjà souligné, la bénédiction n'allait presque jamais au premier-né. Cela n'empêche pas Ésaü de la considérer comme sienne. Dieu a été obligé d'utiliser Rebecca pour que sa volonté se fasse. La quasi-cécité d'Isaac à ce moment-là n'étant que le pendant de sa perception des choses spirituelles. Sinon, il n'aurait pas de facto considéré que la bénédiction devait aller au premier-né, lui qui, deuxième de sa fratrie, l'avait reçue.
- Finalement, et c'est aussi révélateur que tout le reste, il considère que son père pourrait avoir une bénédiction de réservée spécifiquement pour lui. Ce qui le pose comme supérieur à la bénédiction puisque c'est elle qui devrait être mise de côté pour lui, et non pas lui qui devrait être en position de la recevoir. L'épître aux Hébreux nous dit que : c'est sans contredit l'inférieur qui est béni par le supérieur (Hébreux 7.7), vous ne demandez pas la bénédiction d'une personne si vous ne voyez pas en elle quelque chose que vous n'avez pas et que vous voulez. Ca n'est pas la personne qui est importante, mais la chose transmise.
Ésaü est charnel en toute chose. Peu importe la noirceur de ses agissements, il en est à ne plus être capable d'admettre ses propres fautes et les rejette sur les autres. Il fait exactement ce qu'a fait Eve, en accusant le serpent de ses propres manquements, et ce qu'a fait Adam, en accusant Eve des siens. Il a méprisé son droit d'aînesse, et soudainement, il se plaint de ne plus l'avoir, et ce serait la faute des autres, ou, dans le cas présent, de Jacob. Son côté charnel deviendra encore plus flagrant directement après cette bénédiction d'Isaac à Jacob, lorsqu'Ésaü choisira volontairement de se rapprocher de la lignée d'Ismaël :
- Genèse 28.8-9 : Ésaü comprit ainsi que les filles de Canaan déplaisaient à Isaac, son père. Et Ésaü s'en alla vers Ismaël. Il prit pour femme, outre les femmes qu'il avait, Mahalath, fille d'Ismaël, fils d'Abraham, et sœur de Nebajoth.
Ésaü, qui avait déjà méprisé son droit d'ainesse une première fois, choisi de s'unir à la lignée d'Ismaël, le méprisant une deuxième fois.
C'est donc en se conformant aux dires de cette personne que l'église considère Jacob comme un usurpateur et un voleur.
c) La version de Dieu.
Il reste, pour finir sur le nom de Jacob, l'affirmation de Dieu lui-même.
- Genèse 32.28 : Il dit encore: ton nom ne sera plus Jacob, mais tu seras appelé Israël; car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur.
Ce verset, qui est un mystère pour beaucoup, porte son explication en lui-même. On nous y dit 5 choses qui sont les suivantes :
- Le nom qu'a porté Jacob jusque-là,
- Le nom qu'il portera à partir de là,
- Le fait qu'il ait lutté avec Dieu,
- Le fait qu'il ait lutté avec les hommes,
- Le fait qu'il ait été vainqueur dans les deux combats qu'il a dû mener.
Et c'est dans cette compréhension qu'on trouve la signification de son nom selon la Parole de Dieu et la compréhension de ce verset. Il faut le séparer en trois parties :
c.1) La partie charnelle.
Cette partie contient :
- Le nom qu'a porté Jacob jusque-là,
- Le fait qu'il ait lutté avec les hommes.
Ces deux parties du verset 28 parlent de la même chose, selon Genèse 25.26, nous savons que Jacob porte ce nom parce qu'à sa naissance il : tenait le talon d'Ésaü; et on lui donna le nom de Jacob. Jacob signifiant justement 'celui qui prend par le talon'. L'Éternel parle donc de la partie de la vie de Jacob où il a lutté contre les hommes. Cette partie qui commence à la naissance même de Jacob et qui durera toute sa vie. Parce que, rappelons-le encore une fois, c'est bel et bien Esaü qui est venu s'accaparer le bien de Jacob, et cette convoitise est le centre du monde, raison probable pour laquelle si peu de personnes la perçoivent. Nous sommes humains, préformatés à ne pas voir ce que dévoilent nos mauvaises conceptions. Nous ne voyons pas naturellement que c'est Ésaü qui est l'origine du problème parce qu'il n'est que l'image d'un problème qui recouvre l'église, et s'il y a bien une chose que l'église ne fait jamais, c'est de se regarder dans le miroir. L'homme veut la place de la femme, et la femme veut la place de l'homme, les ministères sont incapables de rester dans le champ de leurs attributions divines et se sentent légitimes à vouloir les attributions des autres ministères, chacun méprise ce que Dieu lui a donné ou a fait de lui, en voulant le plat de lentilles de quelqu'un d'autre et en signifiant par là même que ce qu'il a reçu n'est pas suffisant.
Esaü a voulu ce qu'avait Jacob, alors qu'il était chasseur, il aurait pu se nourrir n'importe quand du fruit de sa chasse, un des hommes sous son autorité aurait pu préparer le repas, mais non, il voulait ce que Jacob avait. Lui qui avait les grandes étendues, ne pouvait pas s'en contenter, il voulait ce qu'avait celui qui vivait sous la tente. Jacob a fait face à cela dès sa naissance et toute sa vie, et bien qu'il soit entré dans l'éternité, il continue encore et encore d'être pointé du doigt et méprisé par ceux-là même qui voient en Ésaü une victime. Pourtant, parallèlement, il est aimé de Dieu, alors qu'Ésaü est haï (j'ai aimé Jacob, Et j'ai eu de la haine pour Ésaü : Malachie 1.2-3).
Toute sa vie le schéma se reproduira, il a été choisi par Dieu, alors le monde s'opposera à lui et tentera de le corrompre et de le faire agir comme eux. Toute sa vie il résistera et apportera la réponse de Dieu aux agressions des hommes.
c.2) La partie spirituelle.
Cette partie contient :
- Le nom qu'il portera à partir de là,
- Le fait qu'il ait lutté avec Dieu,
Il y a dans la signification de ce nom une merveille de la Parole de Dieu.
Le nom 'Israël' signifie soit 'Dieu prévaut', soit 'celui qui lutte avec Dieu'. C'est là que se dissimule une compréhension fondamentale du cœur de Dieu. Le verset que je citais était ce dernier :
- Genèse 32.28 : Il dit encore: ton nom ne sera plus Jacob, mais tu seras appelé Israël; car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur.
Ce qui, une fois qu'on prend en compte la signification du nom que Dieu donne à Jacob et l'affirmation de Dieu, signifie que ce dernier a lutté avec Dieu et qu'il a été vainqueur, pourtant le nom qu'il reçoit en conséquence de ce combat dit justement non seulement qu'il a lutté, mais que Dieu a gagné. La question se pose donc assez simplement : qui a gagné ?
La réponse l'est tout autant : tout le monde.
Il est évident que personne ne peut gagner contre Dieu si Dieu ne veut pas qu'il gagne. C'est uniquement un conflit de référent. Il se passe donc dans cette étrange scène où Jacob se bat contre Dieu, une mise à l'épreuve. Dieu veut savoir si Jacob, qui a toujours courbé l'échine sans pour autant renier ses certitudes, courbera à nouveau l'échine si celui qui lui fait face n'est autre que Dieu lui-même.
Jacob s'est toujours attaché à ses valeurs au lieu de s'attacher aux choses de la chair. Il ne se bat pas pour obtenir ce qui lui appartient de droit dans la chair, il sait que cela viendra. Il se contente de se battre pour rester lui-même, droit devant Dieu, en face d'un monde qui fait tout pour essayer de l'avilir. Toute sa vie il s'est battu pour rester à la place de moralité qui était la sienne, pour ne pas se compromettre, et finalement, alors qu'il est à quelques heures de l'accomplissement de son vœu prononcé en genèse 28.20-22 (Jacob fit un vœu, en disant: Si Dieu est avec moi et me garde pendant ce voyage que je fais, s'il me donne du pain à manger et des habits pour me vêtir, et si je retourne en paix à la maison de mon père, alors l'Éternel sera mon Dieu; cette pierre, que j'ai dressée pour monument, sera la maison de Dieu; et je te donnerai la dîme de tout ce que tu me donneras), se déroule le dernier combat avant l'établissement définitif de sa relation avec Dieu.
Avant cette bataille, Dieu était le Dieu de son père Isaac, après cette bataille, l'Eternel sera son Dieu.
Pour qu'une telle bataille puisse avoir lieu, il est impératif que deux choses soient en place. La première est la certitude de l'existence de Dieu, la deuxième est la connaissance de Dieu. Jacob peut se positionner en face de Dieu parce qu'il le connaît. Depuis vingt ans il est sous la surveillance et la protection de Dieu dans la maison de Laban. Pour la première fois, Jacob va tout risquer, non pas pour lui, mais pour Dieu. Depuis la bénédiction de son père Isaac, transmise en genèse 28.4 (Qu'il te donne la bénédiction d'Abraham, à toi et à ta postérité avec toi, afin que tu possèdes le pays où tu habites comme étranger, et qu'il a donné à Abraham!), il n'est plus simplement Jacob, mais également le porteur d'un flambeau que Abraham a porté en son temps, et que son père Isaac a porté pendant le sien. Il est de sa responsabilité de faire ce qui est nécessaire pour que ses enfants après lui le portent à leur tour jusqu'à l'accomplissement des promesses faites par Dieu à Abraham.
Il connaît le cœur de Dieu et sait que ce qui sera le sujet de son intercession est dans le cœur de Dieu. Alors il fait face et il ne renonce pas. A cet instant, ça n'est pas Dieu qui apprend qui est Jacob, c'est Jacob qui apprend qui il est lui-même, c'est Jacob qui réalise sa position spirituelle. C'est une chose de penser pouvoir faire une chose, c'en est une autre de la faire. Quand vous parvenez à faire une chose alors vous savez que vous en êtes réellement capable. Là, faisant face à Dieu, Jacob risque tout, non pas pour lui, ni pour ses enfants directement, mais pour Dieu. Il intercède pour le salut de ses enfants parce que ses enfants seront porteurs après lui de la promesse de Dieu.
C'est pour cela qu'une fois que Jacob comprend qu'il ne peut pas céder et qu'il ne le fera pas, quand bien même ça lui coûterait la vie, que Dieu cesse le combat. Dieu lui dira qu'il a gagné et changera son nom en Israël, qui signifie à la fois 'Dieu prévaut' et 'il lutta avec Dieu'. Il a gagné parce qu'il n'a pas lutté avec Dieu par orgueil, mais parce que Dieu avait la première place. Il a lutté non pas pour sauver sa vie ou celle de ses enfants, mais pour la continuation de l'œuvre de Dieu qui passait au travers de son existence et de celle de ses enfants. Il a lutté avec Dieu parce que Dieu prévalait dans son existence.
D'où le passage de Jacob à Israël.
Finalement, attendant la venue de son frère Ésaü, il sait que l'avenir de la descendance de la promesse est en jeu, quelque chose qui est plus grand que lui, il se pose devant Dieu et intercède. Non pas pour lui, mais pour que le flambeau puisse toujours être porté. C'est pour cela qu'il séparera les enfants en plusieurs camps, sous la supervision de leurs mères respectives et qu'il passera devant tout le monde :
- Genèse 33.2-3 : Il plaça en tête les servantes avec leurs enfants, puis Léa avec ses enfants, et enfin Rachel avec Joseph. Lui-même passa devant eux; et il se prosterna en terre sept fois, jusqu'à ce qu'il fût près de son frère.
Il passe devant parce qu'il sait qu'il est celui qui a la moindre importance, la promesse de Dieu continuera à travers ses enfants. Il ne craint pas de perdre sa propre vie pour le bien de la lignée divine. Ce faisant, il nous éclaire le verset de l'évangile selon Marc :
- Marc 8.35 : Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de la bonne nouvelle la sauvera.
c.3) La victoire.
Et finalement :
- Le fait qu'il ait été vainqueur dans les deux combats qu'il a dû mener.
Je ne vais pas retracer les victoires qui ont jalonné la vie de Jacob, chacune d'entre elles pourrait prendre de nombreuses lignes. Tout ce qui compte c'est de prendre en compte que ce même Jacob, considéré à tort comme un voleur, est en réalité aux yeux de Dieu et donc de sa Parole, un vainqueur. Il l'a été charnellement et il l'a été spirituellement tout au long de sa vie.
5 - Conclusion.
Jacob a toute sa vie été ballotté à droite et à gauche. Il a toujours été droit, mais entouré de personnes qui ne l'étaient pas. L'étrangeté, c'est que les seules personnes dans la Parole de Dieu qui disent du mal de lui sont son frère, dont le comportement montre la laideur de la personne, et Laban, un adorateur des faux-dieux (Genèse 31.53 : Que le Dieu d'Abraham et de Nachor, que le Dieu de leur père soit juge entre nous. Jacob jura par celui que craignait Isaac). Pourtant, c'est l'image globale qui est conservée de lui par l'église, à se demander qui elle écoute encore.
Selon Dieu, Jacob est un vainqueur, et il l'a été autant contre les hommes que dans son intercession. Le regarder pour ce que Dieu nous dit qu'il est nous ouvrira les yeux sur de nombreuses autres compréhensions, certaines nouvelles, d'autres étant des correctifs de nos erreurs passées. Mais cela sera le sujet d'autres études.